19 août 2007

La Princesse et le Pêcheur - Minh Tran Huy


4ème de couverture

Jamais un conte n’est vraiment innocent, ni tout à fait dénué de cruauté. En la personne de Nam, jeune Vietnamien depuis peu réfugié en France, la narratrice croit reconnaître le prince charmant. Ils sympathisent, se revoient, se confient, s’inventent un territoire secret. Mais quelque chose éloigne les gestes de l’amour : le beau garçon la traite comme une petite sœur.
A quelque temps de là, elle accompagne ses parents au Viêtnam, où ils retournent pour la première fois. Devant elle, née en France, élevée et protégée comme une fille unique, le rideau se déchire. Les secrets affleurent, les rencontrent dévoilent les tragédies qu’ont connues les siens. Que Nam a laissées derrière lui, peut-être…

La Princesse et le Pêcheur dessine une vietnamité aussi réelle qu’impartageable, un pays immatériel que Minh Tran Huy imprègne d’une fausse candeur toute de retenue, qui cache une mélancolie profonde. Elle y inscrit la présence de l’ami si difficile à retrouver, parce que l’Histoire est passée par là. Ou simplement le temps. Plus violent que les contes…


Mon avis

Voici une belle découverte ! Dès les premières phrases, l’écriture de Minh Tran Huy m’a plu : une écriture que je trouve « pleine ». Je sais, ce terme peut paraître ridicule, mais je ne sais pas comment l’exprimer autrement ! Pour que vous me compreniez mieux, lisez-ce passage où l’auteur parle de la vie d’une façon que je trouve très juste :

« Vivre, c’est se lancer dans un solo tout en apprenant à chanter ; tenir le rôle principal d’une pièce un soir de première sans avoir jamais répété ; rédiger une histoire d’une traite, sans possibilité de retour en arrière. Il n’y a pas de deuxième prise. On progresse au petit bonheur la chance, ralentit quand on devrait accélérer, s’invente des obstacles inutiles, bifurque sur un coup de tête, en n’ayant aucun idée de sa destination. L’existence est un récit que l’on dévide au fil de la plume, et où personne ne se préoccupe des répétitions, des blancs et des incohérences. Il n’y a que dans les romans qu’on peut corriger, réviser, reprendre : la plupart des vies sont bancales, gouvernées par un hasard sans rime. » (p.14)

Pour un premier roman, je trouve qu’il y a une certaine maturité dans le style de Minh Tran Huy.

Dans cette histoire, il y a plusieurs histoires. Tout d’abord, il y a l’histoire de ce garçon et sa petite sœur, dont le destin incestueux semble inévitable. Puis il y a la très belle histoire d’amitié ou d’amour (où est la frontière ?) de Lam (la narratrice) et de Nam, « dont le prénom signifiait « pays du Sud », un garçon insolent et séduisant, qui avançait la mèche sur l’œil et le sourire aux lèvres, plein d’esprit malgré ses fautes de grammaire. » (p.136)

Et au milieu de ces deux histoires, il y a Nam qui ne veut rien révéler de sa vie au Viêtnam à Lam, les liens qui unissent Lam à ses parents qui ne lui parlent pas beaucoup de leur pays, le Viêtnam, il y a Lam qui se sent française avant tout, et il y a les voyages de Lam dans ce pays qui est celui de ses parents, mais pas le sien.

Tout cela nous permet de découvrir le Viêtnam, mais surtout les blessures de ceux qui sont restés et ceux qui sont partis. Ce livre est un très beau témoignage sur ce magnifique pays et sur ses personnes qui l’ont quitté, par choix ou de force.

L’auteur fait souvent référence à un roman d’Haruki Murakami : Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil. J’ai ajouté ce titre à ma LAL !


Les 1ères phrases

« Il était une fois deux orphelins qui habitaient un petit village du Viêtnam. L’aîné était déjà un jeune homme ; sa sœur en revanche n’avait pas six ans. Ils avaient perdu leurs parents lors d’une inondation durant la saison des pluies et ne vivaient plus que l’un pour l’autre. »


Extrait

L’auteur parle ici de ces parents :

« J’observe mes parents et je me rends compte, ai-je écrit à mon ami, qu’ils ne sont ni vietnamiens, ni français. Ils ont grandi ici mais à présent qu’ils sont revenus, rien n’est plus pareil. On parle de double culture, de racines transplantées dans un autre sol, d’héritage à conserver tout en s’intégrant, mais on oublie qu’en réalité, les êtres nés ici et vivant là ne sont de nulle part. Leur identité oscille entre deux pôles qui tantôt cohabitent, tantôt s’affrontent, plaques tectoniques qui se heurtent et créent séismes, montagnes et ravins, une recomposition du décor que l’on aurait crue impossibles quelques instants plus tôt ; alors on avance sur cette terre nouvelle sans trop savoir où l’on va, espérant toujours qu’à la fin, on trouvera une voie qui nous révélera notre place ici-bas… » (p.153)


A propos de l’auteur

Née en 1979 à Clamart, Minh Tran Huy est rédactrice en chef adjointe au Magazine littéraire et chroniqueuse aux Mots de minuit, l‘émission culturelle de Philippe Lefait (France 2). La Princesse et le Pêcheur est son premier roman. (Source : 4ème de couverture)

Je vous invite à lire une interview de Minh Tran Huy par Evene.fr. C'est ICI.


Photo Couverture : Actes Sud

11 commentaires:

Stéphanie a dit…

je crois que l'Asie sera mon prochain "thème" de lecture
j'ai trop aimé san sha pour ne pas avoir envie de découvrir d'autres auteurs parlant de ce continent.

Caro[line] a dit…

@ Stéphanie :
Ce qui est intéressant dans ce livre par rapport à l'Asie et plus particulièrement par rapport au Viêtnam, c'est que la narratrice a des parents vietnamiens mais elle est née en France, elle a toujours vécu en France et se sent française avant tout. Pour elle, le Viêtnam est un pays inconnu, dont ses parents lui parlent peu, voir pas, et qu'elle découvre un peu grâce à sa rencontre avec Nam, ainsi que grâce à des voyages qu'elle fera là-bas.
Un très beau 1er roman que je ne peux que te conseiller d'ajouter à ta LAL Asie ! (Et que je peux te prêter. :-))

BelleSahi a dit…

Je trouve la couverture de ce livre très belle.
Je l'ai noté. Merci !

Caro[line] a dit…

@ BelleSahi :
Oui, la couverture est vraiment très belle !

Anonyme a dit…

Ce livre me fait envie aussi !!!! :))
Allez hop ... Après La Prime, nous succomberons à de nouvelles tentations ! ;o)

Caro[line] a dit…

@ Clarabel :
Ah oui ! D'abord et avant tout La prime et ensuite, tu pourras succomber à toutes les nouvelles tentations que tu veux ! Et celle-ci en particulier. :-)

Unknown a dit…

Tiens, j'ai eu un pote vietnamien qui s'appelait Nam ! Bon, je ne note pas celui-là parce que j'ai trop noté de titres aujourd'hui (ce qui ne m'empêchera pas de revenir ici demain ;-).

Caro[line] a dit…

@ Tamara :
T'as intérêt à venir en 1er sur mon blog demain à la 1ère heure pour noter ce titre sinon ça va barder ! (Surtout que je peux te le prêter !)

Anonyme a dit…

Je découvre ta critique seulement aujourd'hui grâce à ton billet de récap. Ce livre m'a attiré dès que je l'ai vu. J'ai pu le trouvé d'occase pour moitié prix samedi et tu me donnes diablement envie de le commencer ! Je fais quoi moi maintenant ??? (j'ai déjà XXX livres en cours... un design de blog à boucler, des heures de sommeil à rattraper, etc etc :p)

Caro[line] a dit…

@ Flo :
Merci parce que grâce à toi, je me rends compte que mes bilans mensuels ont une utilité. :-)
J'espère que ce roman va te plaire, et il faut vraiment que tu le lises tout de suite ! ;-) ;-) (Tu te débrouilles !!!)

Anonyme a dit…

"Au sud de la front_ère, à l'ouest du soleil" est effectivement super,quant à "La princesse et le pêcheur" je suis en train de le savourer.