Le rapport de Brodeck - Philippe Claudel
Ce livre fait partie des livres reçus dans le cadre de la sélection adhérents de la Rentrée Littéraire Fnac 2007. En fait de livre, ce roman s’est présenté sous la forme de 207 feuilles A4 non reliées. Je ne pensais pas arriver à lire un roman sous cette forme. Et pourtant oui, j’y suis arrivée ! Cela ne m’a pas gêné du tout et j’ai même trouvé que cela collait bien au sujet du livre puisqu'il est question d'un rapport écrit sur des feuilles volantes à la machine à écrire.
Brodeck est chargé, par les habitants de son village, de rédiger un rapport. Pour raconter « les choses », telles qu’elles se sont passées. Pour que les autres comprennent.
Et en marge de ce rapport officiel, il écrit son rapport à lui, sa confession.
Par bribes, au fil de sa pensée, il va nous livrer son histoire et la venue de l’Anderer dans son village – qui est à l’origine du rapport officiel. Le narrateur, Brodeck, fait des allers-retours incessants entre le passé et le présent. Petit à petit, tout va se construire, comme un puzzle.
« J’ai relu tantôt mon récit depuis le début. (…) Cela manque d’ordre. Je pars dans tous les sens. Mais je n’ai pas à me justifier. Les mots viennent dans mon cerveau comme la limaille de fer sur l’aimant, et je les verse sur la page, sans plus me soucier de quoi que ce soit. Si mon récit ressemble à un corps monstrueux, c’est parce qu’il est à l’image de ma vie, que je n’ai pu contenir et qui part dans tous les sens. » (p.253)
Cette construction provoque un malaise, une angoisse et on se demande ce que l’on va découvrir, tout en ayant envie de connaître la suite. Cette façon de construire le récit est excellente et pour moi, c’est LE « truc en plus » de ce roman.
Et puis, j’ai retrouvé cette écriture belle et simple de Philippe Claudel, que j’avais découverte dans La petite fille de Monsieur Linh. Comme dans ce roman où le pays d’origine de Monsieur Linh, ainsi que le pays où il arrive, ne sont jamais cités mais qu’on devine, le pays où se trouve le village de Brodeck, la guerre dont il nous parle, tout cela n’est pas nommé clairement mais on devine.
Voici donc un très beau roman de Philippe Claudel qui me donne définitivement plus envie de lire ses autres romans ! Un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire !
Retrouvez aussi les avis d'Amanda, Anne, BelleSahi, Bernard, Chiffonnette, Emeraude, Essel, Gambadou, Joëlle, Katell, Philippe, Tamara, Thibault Malfoy.
Les 1ères phrases
« Je m’appelle Brodeck et je n’y suis pour rien.
Je tiens à le dire. Il faut que tout le monde le sache. »
Extrait
C'est un peu long mais j'aime énormément. C'est un prêtre qui parle. Un curé de village.
« Les hommes sont bizarres. Ils commettent le pire sans trop se poser de questions, mais ensuite, ils ne peuvent plus vivre avec le souvenir de ce qu’ils ont fait. Il faut qu’ils s’en débarrassent. Alors ils viennent me voir car ils savent que je suis le seul à pouvoir les soulager, et ils me disent tout. Je suis l’égout, Brodeck. Je ne suis pas le prêtre, je suis l’homme-égout. Celui dans le cerveau duquel on peut déverser toutes les sanies, toutes les ordures, pour se soulager, pour s’alléger. Et ensuite, ils repartent comme si de rien n’était. Tout neufs. Bien propres. Prêts à recommencer. Sachant que l’égout s’est refermé sur ce qu’ils lui ont confié. Qu’il n’en parlera jamais, à personne. Ils peuvent dormir tranquille, et moi pendant ce temps, Brodeck, moi je déborde, je déborde sous le trop-plein, je n’en peux plus, mais je tiens, j’essaie de tenir. Je mourrai avec tous ces dépôts d’horreur en moi. Vois-tu ce vin ? Eh bien c’est mon seul ami. Il m’endort et me fait oublier, durant quelques instants, tout cette masse immonde que je transporte en moi, ce chargement putride qu’ils m’ont tous confié. Si je te dis cela, ce n’est pas pour que tu me plaignes, c’est pour que tu comprennes… Tu te sens seul de devoir dire le pire, moi, je me sens seul de devoir l’absoudre. » (p.173)
Photo Couverture : Stock
26 commentaires:
Pour Claudel j'avoue que je me suis arretée très tôt dans "les âmes grises" que je n'ai jamais pu finir. Je note la différence de style selon le sujet traité ce qui est une performance d'auteur. Dans les âmes grises je trouve que le texte t'effleure à peine mais à un côté très insidieux. Dans "j'abandonne" je trouve que l'ecriture est très dense, très masculine. C'est aussi la raison pour laquelle je n'ai pas pu aller au bout de celui ci non plus. Je ne me risquerai donc pas à lire Le rapport Brodeck.
Bizz
Hiiiiiiii ! Moi je suis sous le charme de la plume de Claudel, alors bien entendu ce livre je vais me le procurer !
Un coup de coeur, de plus ... waouh ! :)
je n'ai jamais lu de philippe claudel, mais à force de vous entendre en parler, je me dis que je devrais m'y mettre :)
par quoi commencer?
Well, je me laisserai peut-être bien tenter... J'attends de voir la couverture ! ;-)
@ Fafa :
Je n'ai pas (encore) lu Les âmes grises et J'abandonne.
Etant donné que le style change d'un roman à l'autre (ce qui, en effet, est une performance !), pourquoi ne pas tenter Le rapport de Brodeck ? Oui, je sais, j'insiste beaucoup dans mon genre ! :-)
@ Clarabel :
Oh oui ! J'aime quand je te donne envie de lire un livre ! J'éprouve un sentiment de satisfaction vengeuse pour tous ces livres que tu m'as donnés envie de lire. ;-)
Et y a encore des coups de coeur à venir... (Vivement demain !)
@ Stéphanie :
Par quoi commencer ? Je ne sais pas si je serais une très bonne conseillère... En tout cas, moi, j'avais adoré La petite fille de Monsieur Linh ! C'était une très belle histoire, très touchante.
Peut-être que Clarabel ou BelleSahi pourraient mieux te conseiller.
@ Tamara :
Hé hé ! Moi aussi, j'attends de voir la couverture pour de vrai, mais surtout la version reliée. :-)
Go to the FNAC !!! (J'ai envie d'y aller ce soir, après le boulot ! Je voulais vous prévenir les filles ! Enfin Tamara et Fafa !)
Après Blondel, Claudel, que je n'ai pas lu non plus (heureusement que grâce à une anonyme sympathique, j'ai enfin découvert Foenkinos...:)) mais "Les âmes grises" sont dans ma PAL...
Bah alors !! On ne fait pas le jeu du livre mystère !! J'attends qu'évène fasse la rentrée littéraire pour le mettre en place.
Ce livre-là me tente beaucoup et me permettra de découvrir un auteur que je ne connais pas encore !!
Tu pars en vacances de quand à quand ?
@ Fab'shion :
Quoi ?!? Tu n'as pas lu (non plus) Claudel ?!? Nan mais c'est pas possible ça madame !!!
Allez, ton défi d'ici la fin de l'année, c'est de lire du Blondel et du Claudel. Un défi en -el !
@ Musky :
- Bah... sans nouvelle de ta part et après mure réflexion, j'ai abandonné l'idée du livre mystère... :-(
- Evene a déjà commencé à publier ses avis sur pas mal de bouquins de la rentrée littéraire.
- Je te recommande vivement ce livre-là, en effet !
- Je pars en vacances du lundi 10 septembre au vendredi 6 octobre. J'ai hâte !
rhoooo mince je ne suis pas au boulot donc pas vers Saint Lazare. C'est con parce que je vais à la FNAC aussi aujourd'hui (celle de Bastille chercher le passe magique du week end). En même temps je vais peut être éviter les endroits où il y a des livres, leurs auteurs tout ça quoi pendant la rentrée littéraire...
Conseils pour Fafa Boulette :
- Evite le rayon Littéraire de la Fnac.
- Si vraiment tu venais à croiser un tas de livres, tu ne lis pas le 4ème de couverture.
Je me demande même si tu ne devrais pas éviter les librairies tout court. Ou alors, tu y vas seulement accompagnée de moi. :-)
Oui je ne suis pas sure de pouvoir me passer de librairies ou de boulettes aussi longtemps. Je penche vers la solution 2. De toutes façons le dieu de la boulette me trouve même chez moi...la preuve en images hier soir donc.
BizZ
C'est noté!!!!
@ Ze boulette :
:-)))
Allez, oublions ce fâcheux épisode et repartons bon pied bon oeil !
@ Katell :
Parfait !
Je vais dire une bêtise, mais : les éditeurs, ils ont pas peur de se faire "photocopiller" le bouquin (vu son format) ??
...
Je suis trop analytique comme gars ? ... OK, je sors...
@ * Z A G * :
Hum... heu... tu plaisantes, bien sûr ?
J'avais beaucoup aimé la petite fille de Monsieur Linh. Le seul que j'ai lu de lui d'ailleurs. Je crois que je vais noter tout ses livres (celui-là avec bien sûr, tu m'as donné envie!)
ZAG : palme d'or du gag ;)
Merci Caro pour cette critique et l'extrait très miam-miam ! Je vais m'empresser de lire ce dernier cru claudélien :)
@ Emeraude :
Si tu as beaucoup aimé La petite fille de Monsieur Linh alors tu aimeras celui-ci à coup sûr !
@ Jos du Livrophile :
De rien ! C'est toujours un plaisir de jouer à la gentille tentatrice. :-)
Enfin tu verras, tu ne regretteras pas !!!
Aimant particulièrement l'écriture de Claudel depuis ma lecture de La petite fille de Monsieur Linh, j'ai forcément mis celui-là dans ma liste des romans de la rentrée ! Et ton avis élogieux me pousse à le lire très vite !!
@ Eric :
Je suis ravie de te conforter dans ton envie de lire ce roman ! Surtout que moi aussi, j'avais beaucoup aimé La petite fille de Monsieur Linh !
J'ai bien envie de le lire après ton commentaire. J'avais adoré Les âmes grises (alors que le thème ne m'attirait pas) ainsi que La petite fille de Monsieur Linh.
J'ai hâte de l'acheter (oulala, qu'est-ce que cela coûte cher la rentrée littéraire...)
@ Virginie :
Je suis ravie que mon commentaire te donne envie de le lire. Je suis sure que tu vas aimer !
j'ai vraiement envie de le lire celui là, j'ai prévu un passage en librairie lundi....
@ Gambadou :
J'espère que tu vas céder à la tentation lundi chez ton libraire ! Je ne pense pas que tu le regretteras... :-)
On en parlait chez nous il y a quelques semaines.
Le rapport de Brodeck de Philippe Claudel
Une histoire ‘plombante’ : ce que je veux dire c’est que c’est attachant et lourd en même temps : des personnages qui existent fort, une écriture puissante en style , des images vraiment données à voir. Ce roman est rare pour la présence des personnages, pour un langage unique, mais son scenario’ parait (en tout cas après coup) un peu commercial : une histoire de bons et de méchants ?
Mais il faut dire que je ne sais trop que penser de Philippe Claudel : Les âmes grises me sont tombées des mains, la petite fille de monsieur Linh a été un délicieux moment. J’ai l’impression qu’il écrit pour le lecteur, en pensant à ce qui plaira ou fera trembler, et que parfois l’histoire en pâtit.
http://lesbouquinsdemaman.free.fr/dotclear/
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